LONE SLOANE – Le Mystère des Abîmes avec Jaquette – (1966)

Lone Sloane (1966) : Un chef-d’œuvre fondateur de la bande dessinée de science-fiction

La bande dessinée Lone Sloane de Philippe Druillet, publiée pour la première fois en 1966, est une œuvre pionnière qui a profondément marqué l’histoire de la bande dessinée de science-fiction. Plus qu’un simple récit, cette série a redéfini les codes du genre en explorant des thèmes métaphysiques, des univers extravagants et des visuels audacieux.

Le contexte de création

Dans les années 1960, la bande dessinée franco-belge commence à s’émanciper des formats traditionnels pour explorer des territoires plus audacieux, notamment avec l’émergence des récits de science-fiction et des mondes imaginaires. Dans ce contexte, Philippe Druillet, un jeune dessinateur passionné de littérature fantastique et de récits d’aventures, publie Lone Sloane. Inspiré par des auteurs comme H.P. Lovecraft, Jules Verne et Edgar Allan Poe, Druillet imagine un univers riche, chaotique et profondément esthétique.

L’œuvre originale paraît d’abord sous le titre Le Mystère des Abîmes, avant d’être intégrée à une série plus vaste consacrée au personnage Lone Sloane. Ce premier tome est publié en noir et blanc, ce qui met encore plus en valeur le style graphique unique et visionnaire de Druillet.

L’intrigue

L’histoire suit Lone Sloane, un aventurier et explorateur de l’espace. Après une mystérieuse dérive spatiale, il est capturé par une force cosmique inconnue qui le transforme et lui confère des pouvoirs hors du commun. Errant dans un univers hostile peuplé de créatures monstrueuses, de dieux capricieux et de civilisations décadentes, Lone Sloane devient une sorte de héros malgré lui, pris dans des intrigues où se mêlent mythologie, mysticisme et science-fiction.

Dans Le Mystère des Abîmes, Sloane est confronté à des entités divines et à des mondes étranges, où le réel et l’irréel s’entrelacent. La trame narrative, bien qu’assez simple en apparence, laisse place à une réflexion philosophique sur la condition humaine, l’exploration de l’inconnu et la place de l’homme dans l’univers.

Un style graphique révolutionnaire

L’aspect le plus marquant de Lone Sloane réside dans son esthétique. Philippe Druillet adopte une approche visuelle radicalement différente des normes de l’époque. Les cases explosent, se libèrent des grilles traditionnelles et s’étendent parfois sur des doubles pages entières. Chaque planche ressemble à une œuvre d’art à part entière, où l’architecture colossale et labyrinthique des décors domine.

Le trait de Druillet est exubérant, baroque et minutieusement détaillé. Ses dessins, influencés par l’art nouveau, l’architecture gothique et les estampes, créent des univers visuels oppressants et fascinants. L’utilisation du noir et blanc dans cette première version accentue la profondeur et le caractère surnaturel des paysages et des personnages.

Thématiques et influences

Lone Sloane se distingue également par ses thématiques ambitieuses et son ton sombre. L’œuvre aborde des concepts philosophiques comme l’immortalité, la lutte contre le destin, la solitude existentielle et la quête de sens dans un cosmos indifférent. Le personnage de Lone Sloane, souvent comparé à Ulysse ou Faust, incarne un antihéros moderne, en proie à des forces qui le dépassent.

Les influences littéraires et artistiques sont nombreuses. On retrouve dans cette œuvre les échos des mythes anciens, mais aussi des récits cosmiques de Lovecraft et des romans d’aventure de science-fiction. Druillet s’inspire également de la peinture classique et des gravures pour composer ses paysages et ses architectures monumentales.

L’héritage de Lone Sloane

La publication de Lone Sloane en 1966 marque un tournant dans la bande dessinée européenne. Loin des récits linéaires et des codes visuels traditionnels, Druillet ouvre la voie à une nouvelle génération d’auteurs qui repousseront encore les limites du médium. Ses innovations graphiques et narratives inspireront de nombreux créateurs, notamment au sein du mouvement de la nouvelle bande dessinée des années 1970, tel que Valérian etc…

Druillet lui-même poursuivra l’aventure de Lone Sloane dans des albums comme Delirius et Gail, enrichissant toujours davantage cet univers dystopique et métaphysique. Ces suites bénéficient de l’introduction de la couleur, amplifiant encore l’impact visuel de l’œuvre.

Conclusion

Lone Sloane est bien plus qu’une bande dessinée de science-fiction : c’est une œuvre d’art visionnaire, un voyage dans des dimensions inexplorées et une réflexion profonde sur l’homme et l’univers. En 1966, Philippe Druillet ne se contente pas de raconter une histoire : il révolutionne un médium, en offrant à la bande dessinée une ambition artistique et philosophique rarement égalée. L’impact de cette œuvre se fait encore sentir aujourd’hui, faisant de Lone Sloane une pierre angulaire de la bande dessinée contemporaine.

Source : https://bdoccasion.com

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